Cet été-là

30 juin 1966 : Scandale et concerts sous haute surveillance au Budokan à Tokyo

30 juin 2025 | 5 min 30 sec

Chaque jour à 19h30 et chaque dimanche après-midi, Brice Depasse vous raconte l'été mémorable d'une année. Un concert, un festival, la vie d'un artiste, ... Vous souvenez-vous de cet été-là?

Il est 3h40 du matin à Tokyo. L’heure où les Beatles vont se coucher habituellement en tournée mais cette nuit, ils sont encore debout pour longtemps car ils débarquent à l’aéroport d’Haneda, comme des extraterrestres, dans une ambiance à mi-chemin entre le sommet du G7 et un épisode de Black Mirror. Car aucun fan dans les parages. Juste des policiers. Beaucoup de policiers. La scène est presque absurde : John, Paul, George et Ringo avancent en kimono de cérémonie, affublés d’un sourire un peu gêné. La Japan Airlines a flairé le coup marketing. Mais autour d’eux, c’est la parano : le Japon tremble. Pas à cause d’un séisme, non. Mais à cause de ces quatre garçons dans le vent. Et surtout du lieu où ils doivent jouer : le Budokan.

Car le Nippon Budokan est plus qu’une salle, c’est un véritable sanctuaire. Un lieu construit pour les Jeux olympiques de 1964 et réservé aux arts martiaux. Le temple du respect, du silence, de la tradition. Et voilà que des Anglais en boots pointues veulent y faire du rock. Inacceptable pour certains. Une profanation pour d’autres. Des politiciens protestent. Des éditos s’enflamment. Des extrémistes menacent de mort les quatre musiciens. Le gouvernement a donc mobilisé 35 000 policiers pour encadrer cinq concerts. Vous avez bien entendu : trente-cinq mille ! Résultat : les Beatles sont cloîtrés au Tokyo Hilton, avec sorties interdites et répètes réduites. Paul essaie de visiter un temple, il est refoulé. John veut faire du shopping ? Non, monsieur, retour dans la chambre. La parano, toujours.

Et le concert, alors ? Ah, le fameux concert du 30 juin. Imaginez un public ultra-discipliné, assis, sans un cri, sans un saut. Des milliers de jeunes contraints au silence pour voir les Beatles ! Lennon se croit à une réunion de conseil d’administration. George Harrison, zen comme toujours, dira plus tard : « C’était un honneur. Mais un honneur très surveillé. » Ils jouent onze titres de leur répertoire, pas un de plus. La sono est mauvaise. Les retours inexistants. Lennon peste : “On n’entendait rien, c’était faux, tout était faux…”

Et pourtant ce concert, ainsi que ceux qui suivront les jours d’après, vont marquer toute une génération. Le Japon s’ouvre. Un peu. Et les Beatles allument une étincelle. Les premiers groupes rock japonais vont naître de cette flamme car l’un des concerts est télévisé, créant un symbole puisque les murs du Budokan vibrant au son d’une guitare électrique vont appeler d’autres concerts mythiques. Les Beatles, sans le savoir, viennent de faire entrer le Japon dans l’ère moderne. Avec trois accords, et sous haute surveillance.

A la suite...

Cet été-là

Brice Depasse vous raconte l'été mémorable d'une année. Un concert, un festival, la vie d'un artiste, ... Vous souvenez-vous de cet été-là?

Cet été-là
30 juin 1966 : Scandale et concerts sous haute surveillance au Budokan à Tokyo
00:00
00:00