N Nostalgie
Ska Selecter

Savez-vous danser le ska ?

En 1979, l'Europe des pistes de danse et salles de concert est prise d'une frénésie bondissante : le ska. Mais contrairement à ce qu'on pense à l'époque, cette musique n'est ni anglaise ni nouvelle. Je vous raconte ...

Pour ceux qui s'en souviennent, le ska, en 1979 et 80, c'étaient des salles entières qui pogotaient, sautaient à l'unisson durant trois minutes de folie en criant One Step Beyond ou On My Radio. Cette mode n’a pas duré longtemps, à peine une année, mais on a eu le temps de se faire couper les cheveux très courts et de porter des fines cravates et lunettes noires pour faire comme les Madness et les Specials. Un grand moment de folie en noir et blanc juste avant que la New Wave occupe toute la place et que le ska disparaisse dans une nappe de synthé.

Pourtant, sachez que le ska fête en cette année 2022 non pas son quarantième mais soixantième anniversaire.

Madness Ska

Tu connais la différence entre le ska et le reggae ?

Le ska est en effet apparu en Jamaïque en 1962, l'année de son indépendance ; ainsi la musique populaire marque-t-elle déjà son histoire. Un guitariste m’a un jour expliqué pourquoi on la nomme ainsi. Je me trouvais au Dynamic Sound Studio à Kingston, celui où Bob Marley avait enregistré notamment No Woman No Cry et I shot the sheriff. Ce musicien qui se nomme Seretse Small m’a dit tu connais la différence entre le ska et le reggae ? Il a alors saisi sa guitare pour jouer trois notes sèches en disant : ska ! ska ! ska !

Quant au reggae, ça fait ceci, a-t-il conclu en jouant trois doubles notes : reg-gae ! reg-gae ! reg-gae !

Mais donc, si le ska existait bien avant 1979, pourquoi n’en avait-on jamais entendu parler auparavant ? Tout simplement parce que cette musique n’est pas sortie de l'île qui était (et est toujours d’ailleurs) très pauvre. A vrai dire, nous n'en avions entendu qu'un seul titre, une version pop en 1966 qui se trouve être le premier tube ska mondial de l'histoire : Lollipop par Millie Small.

Derrière ce tube, on trouve un jeune Anglais car la Jamaïque étant une colonie de l'empire, de nombreux Britanniques y ont une maison de vacances comme Ian Fleming (qui y a écrit tous ses James Bond) ou y résident comme la famille Blackwell. Et que fait Chris, le fils des Blackwell ? Il exporte des 45 Tours reggae vers Londres où il fait ses études à destination de l’importante communauté jamaïcaine. Parmi ces disques, les singles d’un certain Bob Marley … puis de son trio les Wailers.

Lorsqu'au début des années 70, ce fameux Chris Blackwell se met à publier des 33 Tours d'artistes jamaïcains sur sa maison de disques, Island (qu'il a nommé ainsi en hommage à son île de Jamaïque), le ska a désormais fait place au reggae en Jamaïque. Le succès international qu'il remporte dans les années 70 grâce à Jimmy Cliff puis Bob Marley occulte définitivement son ancêtre, le ska.

Mais voilà que vers 77-78, les punk rockeurs blancs qui vivent dans des quartiers métissés de Londres entendent ces 45 Tours de ska qui traînent dans la communauté. Les Clash et surtout The Police se mettent à en jouer comme les Specials et d’autres groupes punks composés de Brittons et de Jamaïcains. La boucle est bouclée avec les Madness, Specials, Selecter et The Beat qui alignent les succès à une cadence fulgurante. Voilà pourquoi, fin des années 70 et début 1980, nous pogotions tous comme des punks sur du ska, en Belgique, comme partout dans le monde.