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Amy Winehouse

Amy Winehouse : dix ans (aujourd'hui, déjà) après le drame

Il y a dix ans, Amy Winehouse nous quittait brutalement, prévisiblement, ceux qui l’ont dit n’avaient pas tort. Recordwoman de ventes de disques, célébrée par le public et la critique, riche et célèbre et personne pour la comprendre.

Dix ans déjà que des objectifs filmaient et mitraillaient à distance trois employés de pompes funèbres portant un brancard vers un corbillard. On aurait préféré ne pas voir ces images au Journal Télévisé ; comment ne pas imaginer sous ce linceul pourpre le petit corps sans vie de la plus grande chanteuse qu’on n’ait jamais entendue de mémoire d’homme.

Star planétaire à 22 ans grâce à la sortie de son second album, Amy Winehouse  vivait pour chanter et rien d’autre. L’amour n’était pas pour elle, un jeu de perdant ; pas dupe, elle l’avait chanté et effectivement, il l’a détruite. A 27 ans, le livre de sa vie se referme déjà ce 23 juillet 2011, laissant s’envoler des millions de soupirs de tristesse, d’interjections, de larmes, de réflexions genre c’était à prévoir avec tout ce qu’elle absorbait.

Comment comprendre en effet depuis nos vies, ce théâtre du Club des 27 qu’elle vient de rejoindre. De Jimi Hendrix à Amy Winehouse, ils sont jeunes et déjà stars, entourés de l’amour et de l’admiration du public et puis voilà qu’on les retrouve morts avec presque toujours le même diagnostic : drogue et alcool. Ils n’avaient pas le droit de s'abîmer comme ça !

Comment admettre qu’une artiste d’exception comme elle ait laissé les faits divers prendre le pas sur la critique musicale. Avec les années, Amy Winehouse n’était plus qu’un titre pour les tabloïds qui se régalaient de ses dernières frasques, de ses nuits blanches, de ses beuveries dans les pubs qu’elle finançait à coup de tournées générales.

C’est quoi ta joie de vivre ?, lui a un jour demandé un de ses musiciens.

Être sur scène et chanter, lui a répondu Amy. On aurait voulu qu’elle nous le dise plus souvent.

Il faudrait qu’on fasse fi de tout ce qu’on a lu et entendu quand on écoute ses deux albums et puis aussi le triple live que la BBC vient de nous sortir.

Mettre un disque d’Amy Winehouse et écouter sa voix, son souffle, cette technique incroyable qu’elle a acquise très jeune en imitant les grands saxophonistes de jazz. Et oui, c’est ça, son secret.

Amy Winehouse - Rehab

C'est vrai que je me vois bien glisser cinq francs dans le jukebox d’un café des années 60 pour l’écouter.

Voir un 45 Tours d'elle dans un jukebox, Amy aurait adoré ça, elle qui était une habituée des pubs, certs, mais surtout du jazz d’après-guerre qu’elle a interprété comme personne n’a pu le faire. Mince et effilée comme une sculpture de Giacometti, je la vois se diriger vers l’appareil de son et de lumières, en éternel défi à l’équilibre et à l’attraction terrestre qu’elle était sur ses hauts talons.

On y revient toujours, malheureusement, à ce qui a fait d’Amy Winehouse la personnalité la plus célèbre de la planète au cours des dernières années de sa courte vie. Même ceux qui n’ont jamais entendu une de ses chansons connaissent son nom pour avoir lu dix articles et reportages sur ses tapages divers et variés qui lui ont valu la fréquentation de nombreuses polices locales.

S’ils savaient à quel point sa musique était belle.

Bien sûr, Amy a tendu le bâton pour que les journalistes people la battent, d’autant plus qu’elle évoquait tous ses problèmes dans ses chansons, sans aucune retenue. Un de ses plus grands tubes en porte même le titre : Rehab, "désintoxication".

Alors bien sûr, on s’est tous dit le jour funeste de sa disparition : ça ne me surprend pas, ça devait arriver, tellement on nous avait soulé avec sa vie privée mouvementée. Mais enfin, 27 ans avec un talent pareil et des ventes de disques qui, pour le coup, sont bien le fait de son immense talent, hors norme : comment a-t-elle pu se détruire ainsi ?

Même l’album qui paraîtra quelques mois plus tard est d’une qualité qu’aucun disque de ce genre n’a jamais atteint que ce soit pour Jim Morrison, Kurt Cobain ou Jimi Hendrix. Preuve que oui, Amy méritait sa première place.

L’histoire semble se répéter depuis plus de cinquante ans : des projecteurs, des usines à disques, la foule et des millions qui pleuvent sur des jeunes gens pas du tout prêts à ça. Ils font de la musique pour la jouer en public, c’est vrai, mais ils deviennent des stars énormes malgré eux, parce qu’ils sont très différents. Une différence qui s’est construite sur une terrible fêlure, une blessure qui ne cicatrise pas et fait très mal. Et donc, l’image que leur renvoient d’eux les magazines et émissions de télévision n’est pas celle que nous voyons. D’où l’envie d’Amy de vivre ailleurs, de tenir à l'écart ces gens qui ne s’intéressent qu’à la lumière sur elle. Elle fuit dans un monde qu’elle croit être un refuge pour picoler avec les potes jusqu’à pas d’heure, n’importe où et souvent commence dès le matin. Amy a fait la fortune des pubs de son quartier.

Et avant de descendre faire la nouba, parfois, souvent (allez savoir), chez elle, Amy prend sa guitare et chante. Et là, le temps, la vie, plus rien n’a d’importance.

Vous savez quoi ? Je crois que les anges chantent comme ça, écoutez :