Les tubes ont perdu la face

Queen : We Will Rock You (1977)

4 mars 2025 | 3 min 7 sec

Fin 1977, début 78, le nouveau 45 Tours de Queen tourne dans tous les juke-box, Face A comme Face B, avec deux chansons très courtes mais qui vont rentrer dans l'histoire : We Are The Champions et We Will Rock You.

J’ignore si c’est une chance mais c’est l’impression que cela me laisse, mon adolescence a été celle qu’on a pu voir dans des films français des années 70,  ces garçons et filles qui se retrouvent dans un café, avec ces flippers et ces juke-boxes. C’est l’époque où les pièces de cinq francs revêtaient une importance particulière, la clé pour une partie et surtout pour choisir trois titres. C’était pour les jeunes qu’on était, plus le plaisir, un peu vaniteux, de montrer aux autres les musiciens qu’on aimait, ça vous posait. Tu connais pas ? C’est le nouveau Queen. Et là, arrivait le refrain, qu’il était impossible de ne pas reprendre rapidement en chœur tant on l’avait immédiatement en tête. On l’ignorait mais le groupe en avait eu l’idée quand à la fin d’un concert en Angleterre, ils terminaient avec leur interprétation personnelle du God save the Queen, le public qui en voulait encore s’était mis à chanter l’hymne du club de Liverpool, You never stand alone. Ce serait terrible si on pouvait faire une chanson que les gars reprendraient dans les stades. Freddie s’était aussitôt mis au piano et avait composé cette chanson qu’il jugeait en son for intérieur, bien prétentieuse, mais qui allait, vous le savez, faire mouche au-delà de ses espérances et de sa propre vie.

Et tels des Lennon-McCartney, Brian May, le guitariste chevelu, l’homme le plus instantanément reconnaissable même de loin, et dans la foule, il faut dire qu’il est très grand dans tous les sens du terme, Brian donc était revenu avec une chanson très simple. Et pour être sûr que tout le monde comprenne de quoi il s’agit, ils l’ont jouée sans instrument, en tapant du pied et des mains, répétant le rythme tribal et les chœurs à l’infini, piste après piste. Le tout se terminait par un solo de guitare de 30 secondes dont Brian a le secret, y compris le son. Ceux qui en étaient restés à Bohemian Rhapsody ont été bien étonnés par ce morceau en Face B dont il était inutile d’aller trouver le nom sur l’étiquette perdue au milieu du tableau du juke-box : on avait compris qu’elle s’appelait We will rock you ! C’est le but en même temps.

Spécial, quand même ! Mais … ça veut dire quoi We will rock you ? Et moi en train d’essayer de faire une extraballe au flipper de répondre : Ca veut dire : on va te rocker, euh, te secouer ! Te secouer ? C’est vrai que tu côté de Binche, dans les boums le samedi soir après minuit, y avait souvent des mecs qui en secouaient d’autres mais je pense que Queen ne voulait pas parler de ça. Qui aurait cru que cette face B à la musique minimaliste allait non seulement s’installer à la fin de tous les concerts de Queen mais allait germer aux quatre coins de la planète jusque dans les pays les plus improbables, s’installant dans le temps jusqu’à devenir un air qu’on appelle traditionnel.

Les tubes ont perdu la face

Brice Depasse explore un aspect méconnu mais passionnant de l’histoire de la musique: ces moments où la Face B de vos vinyles préférés a pris sa revanche sur la Face A, pour inscrire son nom dans la légende.

Les tubes ont perdu la face
Queen : We Will Rock You (1977)
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