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Tainted Love Soft Cell
© CAPTURE D'ÉCRAN YOUTUBE / SOFT CELL

« Tainted Love » : les 1001 vies d'un titre d'abord passé inaperçu

De la soul des sixties aux néons new wave, « Tainted Love » est une chanson qui a traversé les époques et flirté avec tous les styles.

Avec le décès de Dave Ball, c’est un battement de synthé qui s’éteint.

Celui qui avait donné à Tainted Love son cœur électronique laisse une empreinte indélébile dans l’histoire de la pop.

Retour sur ce titre culte.

1964 : Gloria Jones, la perle ignorée

L’histoire commence avec Gloria Jones, jeune chanteuse soul au tempérament de feu, signée par le producteur Ed Cobb. En 1964, elle enregistre Tainted Love, titre relégué en face B de My Bad Boy’s Comin’ Home.

Sa voix incendiaire, la rythmique Motown et le thème de l’amour devenu poison auraient dû faire mouche. Mais la chanson passe inaperçue.

Dans les années 70, sur les pistes du mouvement Northern Soul qui émerge dans le nord de l'Angleterre, le morceau ressuscite. Tempos rapides, danses effrénées, passion pour la soul américaine oubliée... La reine Gloria Jones devient alors, sans le savoir, l’icône posthume de cette scène underground anglaise.

Les années 70 : renaissances avortées

Le virus Tainted Love continue de circuler. On en trouve une version signée Ruth Swann en 1975, puis une nouvelle tentative de Gloria Jones elle-même en 1976.

Hélas, l’époque disco noie son cri soul sous des percussions clinquantes : c'est à nouveau un échec commercial. Mais dans les clubs anglais, Tainted Love s’impose comme un classique secret, une madeleine pour noctambules en sueur.

1981 : Soft Cell électrise l’amour empoisonné

À Leeds, deux étudiants en art, Marc Almond et Dave Ball, fondent Soft Cell : une voix tourmentée et un synthétiseur. Leur esthétique flirte avec la new wave mais leurs cœurs battent au rythme de la soul des 60’s.

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Quand le DJ Ian Dewhirst leur fait écouter Tainted Love, c’est la révélation. Sous la houlette du producteur Mike Thorne, ils ralentissent le tempo, suppriment la batterie, remplacent les cuivres par des nappes électroniques.

Sorti en 1981, Tainted Love s’écoule à plus d’un million d’exemplaires au Royaume-Uni et reste 43 semaines dans le Billboard US.

À une époque où l’épidémie du sida commence à émerger, les mots Tainted Love font écho à un amour souillé et contaminé. Ils prennent une résonnance quasi prophétique. Marc Almond deviendra d’ailleurs l’une des premières figures queer à assumer son ambiguïté avec une telle intensité.

Les métamorphoses

Après Soft Cell, Tainted Love devient un laboratoire musical.

Dès 1982, le rockabilly de Dave Phillips & The Hot Rod Gang lui redonne des airs de cavalcade rétro. En 1985, Coil en fait une prière glacée dont les bénéfices servent la lutte contre le sida.

Dans les années 1990, le morceau s’électrise et se durcit : Inspiral Carpets en offrent une version rock, The Living End une déflagration punk.

Puis, à l’orée des années 2000, Marilyn Manson le transforme en hymne gothique et industriel. Sa reprise, provocante mais fidèle à l’esprit originel, fait découvrir la chanson à une nouvelle génération persuadée d’écouter un titre de Manson.

1000 visages, 1 ressenti

Tainted Love a eu mille visages, mais un seul cœur : celui d’une mélodie entêtante qui nous rappelle que l’amour, quand il brûle, laisse toujours une trace électrique. Et ça fait 60 ans que ça dure !