La Story Nostalgie

David Bowie dans l'Histoire (Episode 2)

9 octobre 2024 | 4 min 48 sec

Quand en 1976, David Bowie change radicalement de musique pour la deuxième fois en deux ans, il ne s'agit plus seulement d'inspiration mais de survie artistique car cette fois, il prend tous les risques et perd son public.

Quand on entend la toute grande masse des chansons tourner aujourd’hui, on a bien du mal à identifier les artistes entre eux. Et on s’y est habitué avec les années. Tellement qu’on a du mal à imaginer qu’il fut un temps où pour passer à la radio, et surtout être critiqué positivement dans la presse, il fallait faire du neuf, SURTOUT ne pas jouer, ne pas chanter comme les autres. Et en la matière, celui qui tient le haut du pavé dans les années 70, c’est David Bowie. Il n’a rien à faire des canons de la production qui consiste à refaire le même truc une fois qu’on a trouvé ce qui plaît au public. Bowie est en effet à peine au sommet des ventes, en 1973, avec son rock’n’roll particulier, mélange de rock glam façon Slade et T-Rex ET rock alternatif américain teinté de cabaret new yorkais, qu’il se lance l’année suivante dans la soul, la black music. Imaginez le désarroi et le mépris du public ado et européen qui lui tourne le dos. Mais David s’est trouvé un nouveau public et sort gagnant de ce changement de peau et de registre.

Sauf que, en 1976, voilà qu’il quitte Los Angeles, la ville où il s’était établi et où il avait trouvé la voie des ondes pour revenir en Europe. Et s’il est vrai que la musique disco y est seulement en train de s’imposer, cela n’intéresse plus Bowie, non, ce qu’il cherche lui, désormais, c’est l’avant-garde. L’avant-garde, c’est un concept difficile à imaginer au XXI° siècle. C’est vrai, qui s’intéresse à ce qu’on fera dans cinq, dix ans ? On a déjà peur d’aujourd’hui alors qui a envie d’être demain ? Et ben, en 1976, c’est le contraire. On croit que le meilleur est à venir, demain c’est smart ! L’an 2000 fait rêver tout le monde, alors il y a des mecs qui tentent de créer le cinéma, la peinture, la sculpture, l’architecture de demain. Ça, c'est génial ! Et donc, David s’est réfugié en France avec son ami Iggy Pop, le dernier qui lui reste en fait, pour créer deux albums en simultané, chacun le leur, avec quelques musiciens auxquels ils demandent de faire des trucs qu’on n’a jamais fait. Si ça part le plus souvent en sucette, ça donne malgré tout de solides réussites mais bon, autant vous dire que le public va être dérouté … Mais il ne s’arrête pas là car en Allemagne, il y a une bande d’allumés qui travaillent sur un instrument très particulier qui permet de créer des sons artificiels, électroniques. Et ils font des disques, certains carrément inaudibles, d’autres un chouïa mélodique mais comme l’instrument n’est pas facile à utiliser, le résultat est minimaliste. Mais vous imaginez ce groupe, Kraftwerk ? Pas de batteur, ni de bassiste, ni de guitariste.

Voilà David et Iggy qui prennent un appartement à Berlin, cette ville dévastée par la guerre, coupée en deux par les Soviétiques où le monde vivant est glauque et souterrain. Le croirez-vous, il y produit une seconde face d’album entièrement instrumentale et synthétique … David Bowie, le chanteur qui nous fait de l’instrumental ! La presse rock branchée crie au génie mais le grand public ne suit plus. Low, qui sort début 1977, ne se vend qu’à une poignée de gens qui acceptent de découvrir de nouveaux horizons. Beaucoup se remettraient en cause pour moins que ça mais Bowie persiste, sur scène comme en studio : toujours à Berlin, il remet le couvert en poussant plus loin le bouchon. On s’éloigne par moment de tout souci de mélodie jusqu’au bout du concept. Et puis, soudain, tous ces ingrédients réunis donnent à une chanson un souffle épique que David Bowie saisit au vol et magnifie d’un texte dédié aux martyrs de la liberté tombés sous les balles des gardiens du mur. Qui n’a jamais été ému par cette promesse d’être un héros, juste pour une journée ?

La Story Nostalgie

Depuis plus de 20 ans, Brice Depasse vous emmène dans les coulisses des légendes du rock, de la pop, et des années 70 et 80 dans. Il vous fait voyager à travers les époques, en vous dévoilant les anecdotes les plus croustillantes et les histoires fascinantes des plus artistes de notre temps.

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