La Story Nostalgie

Le génie du pianiste, Michel Berger (Ep.2)

27 septembre 2025 | 7 min 24 sec

Entre abandon paternel et amoureux, la vie de Michel Berger est à l'image de l'immense mélancolie qui se dégage de sa musique et de ses textes. Les deux sont intimement liés, une histoire qu'on se raconte et qui appartient à la légende de la chanson française.

Ce n’est un secret pour personne, il y a dans la musique de Michel Berger et les histoires qu’il raconte, une infinie mélancolie. Et tous ceux de sa génération qui l’ont vu évoluer et parler à la télé ont ressenti que malgré la réussite artistique et la vie du couple idéalisé qu’il formait avec France Gall, cet homme n’a pas été heureux. Il a connu des joies, nombreuses, mais il n’a pas réussi à se construire un monde achevé, encore moins parfait dans sa tête. Sans doute est-ce ce qui nous a touché le plus dans sa musique.

Bien sûr, je vous ai parlé du drame de sa vie avec un père célèbre qui prétexte l’amnésie pour abandonner sa famille. Mais il y a bien plus encore. Regardez Michel jouer du piano : il a tout du concertiste, n’est-ce pas ? Il a sûrement fait le conservatoire. Et bien pas du tout. Non, Michel, quand il suit les cours de piano, à domicile, a bien du mal à se concentrer sur Chopin et Beethoven. Il faut dire que les professeurs ennuyeux ont du mal à rivaliser en cette fin des années cinquante avec cette musique qui vient des Etats-Unis, le rock’n’roll.

Pour Michel, comme pour la plupart des jeunes de sa génération, cette musique occupe toute la place dans sa vie. Il passe ainsi des heures à écouter le single  What’d I Say de Ray Charles. Et que dire du grand Jerry Lee Lewis qui, lui, a trouvé comment jouer du piano d’une manière intéressante. Mais voilà, jamais dans sa famille qui vit dans un hôtel particulier avec personnel de maison, où on doit toujours bien se tenir y compris le dimanche, il ne pourrait pas ôter sa cravate, ni monter sur son piano et encore moins, en jouer debout. Non, lui, le seul truc rythmé qu’on l’autorise à jouer, c’est du Gershwin. Mais Michel ne se révolte pas : pas assez de force ni de soutien pour briser la couche formée par les convenances de la haute société et le drame qui pèse sur le noyau familial, autant qu’il ne l’a soudé.

Même quand Michel commence à jouer du rock avec deux copains de lycée, aussi guindés que lui, il demeure un Hamburger ou un Haas-Guggenheim selon qu’on lui trouve une ressemblance avec son père ou sa mère.

Alors quand avec ses comparses, il se rend à l’audition des disques Pathé-Marconi annoncée par le journal France Soir, Michel a du mal de jouer à être un autre que lui-même. Difficile. Impossible, coincé dans l’uniforme de son école, de faire comme Dick Rivers des Chats Sauvages, ce Niçois de 16 ans, un an de plus que lui, devenu une star et découvert par Jacques Scingland, l’homme devant lequel Michel se tient.

Et quand il entend dire cet homme à qui il faut plaire lors de cette audition des idoles de demain : C’est bien, ça, Petit, ce que vous venez de jouer. Tu t’appelles comment ?, Michel n’en croit pas ses oreilles. Comment a-t-il pu déceler dans le jeune bourge qu’il est, qui est loin d’avoir l’insolence d’Eddy Mitchell ni le charisme de Johnny Hallyday, l'attraction qu’il va exercer sur le public et le métier de la chanson ? C’est vrai, quand on vous dit ça, c’est qu’on va vous engager. Mais quelle était sa question déjà ? Ah oui, tu t'appelles comment.

Et là, Michel, qui en a assez qu’on lui parle de pommes frites à cause du nom de ce père qu’il ne connaît pas, répond : Berger, Monsieur, je m’appelle Michel Berger.

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Depuis plus de 20 ans, Brice Depasse vous emmène dans les coulisses des légendes du rock, de la pop, et des années 70 et 80 dans. Il vous fait voyager à travers les époques, en vous dévoilant les anecdotes les plus croustillantes et les histoires fascinantes des plus artistes de notre temps.

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Le génie du pianiste, Michel Berger (Ep.2)
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