Les tubes ont perdu la face

Gene Vincent : Be Bop A Lula (1956)

11 avril 2025 | 3 min 12 sec

Rocker américain de la première heure, comme Elvis Presley, Gene Vincent est le titulaire d'un des succès records qu'a connu une face B de 45 Tours. Oui, comment imaginer qu'au printemps 1956, un titre aussi légendaire et fondateur que Be Bop A Lula soit sorti en face B d'un 45 tours.

Vous le savez, le rock et le cuir, blouson et pantalon, sont associés dans la légende de cette musique de mauvais garçon qui fascine encore tellement aujourd’hui. Et beaucoup de chroniqueurs d’insister sur le fait que le modèle de ces rockers en cuir, c’est Marlon Brando dans l’équipée sauvage, où il est à la tête d’un gang de motards. Mais voilà, quand vous avez regardé le film à la télé, vous n’avez pas compris, vous avez même été déçu par la musique car rien à voir ! Ben forcément, il est sorti en 1953. A l’époque pas encore d’Elvis Presley ni de Bill Haley dans les juke-box, le rock n’existe pas mais le film et surtout Brando impressionne tous ces gars qui de John Lennon à Johnny Hallyday vont se faire connaître une fois adulte et dont ils vont adopter l’attitude.

Et s’il y a un rocker de la première heure, habillé comme Brando, qui va incarner l’association du cuir et du rock, c’est bien Gene Vincent. C’est un des pionniers aux côtés d’Elvis et de tous les Jerry Lee Lewis qui va donner une série de classiques du rock. Mais étrangement, son nom va moins survivre et surtout son visage. En effet, si je dis Gene Vincent, vous le voyez son visage ? Et ses poses sur scène, avec ses gants de cuir ? Alors demandez à vos parents ou grands-parents s’ils l’ont vu car si on dit Gene Vincent dans nos contrées c’est que l’homme s’est beaucoup produit chez nous dans les années 60 où, comme Bill Halley, déjà devenu has been, chassé par Elvis puis les Beatles qui occupent seul tout l’espace médiatique, il est venu chercher des dollars de l’autre côté de l’Atlantique.

Au printemps 1956, en effet, le monde du disque est en émoi, un jeune gars du nom d’Elvis Presley affole toutes les filles et vend un million de son premier 45 Tours en sortie nationale. Et logiquement, chaque firme de disques veut son Elvis. Et il faut le trouver si possible du même coin que lui, un trou perdu du sud. C’est là qu’un certain Sheriff Tex, animateur d’une radio country de Caroline du Nord, se dit qu’il tient son homme, un chanteur qu’il a sous son aile, Gene Vincent et son groupe les Blue Caps. Il fait envoyer chez Capitol à New York un acétate avec trois titres sur lequel figure Be-Bop-A-Lula, une chanson que Gene a écrite et, ô joie, il est pris ! Les voilà partis pour New York, comme Elvis, quelques mois plus tôt. Mais voilà, quand le disque sort début juin, les passages radio sont inexistants. C’est pas possible ! Si. Il faut dire qu’ils ont placé Be-Bop-A-Lula, ce titre qu’ils trouvent étrange, en face B. Quel animateur a la bonne idée de le retourner et de le passer ? On l’ignore mais, succès immédiat, il s’en vend 200.000 exemplaires aux Etats-Unis en quelques semaines, deux millions en deux ans, il est vrai qu’entre-temps, Gene Vincent aura chanté en entier sa chanson dans l’excellente comédie La blonde et moi, The girl can’t help it, le film qui a lancé le rock'n'roll à travers le monde.

Un podcast à écouter et réécouter sans modération, sur Nostalgie.be, l'application Nostalgie Belgique et les plateformes d'écoute.

Les tubes ont perdu la face

Brice Depasse explore un aspect méconnu mais passionnant de l’histoire de la musique: ces moments où la Face B de vos vinyles préférés a pris sa revanche sur la Face A, pour inscrire son nom dans la légende.

Les tubes ont perdu la face
Gene Vincent : Be Bop A Lula (1956)
00:00
00:00